Nique la Kro ! n°3

- De la solitude de l'écrivain -


Salutations, distingués lecteurs !

   « Écrivain »… Un bien grand mot. Je ne me considère pas vraiment comme tel. Si encore je gagnais de la maille en le faisant, certes. Mais non. Plutôt l’inverse, à vrai dire. Pour le sujet qui nous intéresse, je souhaite aborder la solitude vécue par le scribouillard en herbe pour obtenir une appréciation de son travail. Que cette dernière soit personnelle ou extérieure.

 

  Apprécier soi-même la valeur de son travail est chose difficile. Après plusieurs heures passées d’arrache-pied sur une œuvre, on a tendance à avoir un peu trop la tête dans le guidon, à ne plus vraiment savoir distinguer le bon grain de l’ivraie. Il doit même arriver que l’on retouche, efface ou transforme des passages qui, en soi, ne l’auraient pas mérités. Ceci est vrai quelque soit la matière envisagée : musique, dessin, peinture, écriture...

 

  Ne pas être sûr de soi est une bonne chose dans une certaine mesure. C’est en remettant en question son travail que l’on progresse, cela ne fait aucun doute. Celui ou celle qui sera toujours à clamer « regarde-écoute-lis [biffez les mentions inutiles] moi ce dernier truc que j’ai produit, c’est trop génial ! Une bombe de balle, j’ t’assure ! Mieux que Dali-Aphex twin-Kafka [biffez les mentions inutiles]». Cette personne donc, n’avancera pas, bien trop gonflée de son propre égo pour envisager son travail sous une autre forme qu’un chef d’œuvre. Tel est peut-être le cas, je ne juge pas, mais cela va selon moi à l’encontre de toute progression personnelle.

 

  L’un des pièges est de ne pas tomber dans le syndrome inverse qui consiste à se dire que toute notre production est bonne à donner aux castors pour qu’ils se fassent les dents… Non. Avoir une juste appréciation de son travail passé ou en cours, ses points forts et faibles… tel est l’un des défis de l’artiste. Ce dernier se doit d’être la personne la plus critique vis-à-vis de son ouvrage.

  Néanmoins, Cette dichotomie entre l’appréciation de notre propre travail et celle du public est bien réelle. On ne percevra jamais notre production comme le ferait toute autre personne.

La construction personnelle de la confiance en soi passe en partie par l’appréciation qu’ont les autres de votre travail, et particulièrement celle des personnes ayant un tant soi peu d’affinité avec vos créations.

 

  Après cette longue introduction, venons en maintenant au sujet même de cette chronique qu’est le partage de son travail. Il est en effet clair que, si l’on compare un scribouillard à quelqu’un qui fait de la musique ou de la peinture, sans bien sûr vouloir dénigrer ceux-ci ou ceux-là, il est clairement difficile pour cet écrivain en herbe de présenter son travail à un anonyme.

  S’en suis ici un dialogue typique entre l’écrivain et l’anonyme en question :

‘’

  L’anonyme, neutre               : Tu fais quoi dans la vie ?

  L’écrivain, fier et anxieux   : J’écris.

  L’anonyme, neutre               : Cool.

  L’écrivain, empressé            : Tiens, tu veux voir ce que je fais ?

  L’anonyme, incertain          : Euh… Sûr, envoie.

Et de balancer à ses pieds un pavé de 212 pages A4, recto-verso, times new roman taille 10. Sans interlignes.

L’écrivain, enjoué                 : Merci ! Tu me diras ce que t’en penses, je compte sur toi !

L’anonyme, estomaqué       : …

‘’

  « Feuq dat ! » [1] songeraient alors la plupart des gens. Et ils auraient raison. D’ailleurs, même si la bonne âme qu’est votre ami(e) (ou l’anonyme) donne de son temps et se fend d’une lecture et d’une critique un tant soit peu utile (qui dépasse donc les « c’est de la merde. » ou « stylé ton truc »), il faut alors patienter un mois (voire plusieurs, selon la taille du texte incriminé) avant d’obtenir quelque retour que ce soit.

Un dessinateur ou un peintre n’aura besoin que de quelques minutes d’attention, une heure tout au plus, pour ressortir quelque chose de la critique des gens. Et ce, même s’il a dû passer 154 heures sur cette unique œuvre (80% se résumerons tout de même à « cool/naze », faut pas pousser non plus). Il en va de même pour un musicien, voire un cinéaste.

 

  Alors j’imagine avec aisance qu’il existe des malheurs bien plus importants dans la vie de tout un chacun (dont la mienne). Je ne vais pas me plaindre ad nauseam de cet état de fait. Au final, tout ce que je viens d'écrire n'est pas une complainte, plutôt une constatation.

  Je scribouille avant tout pour moi-même. Et heureusement, sinon voilà longtemps que j’aurais cessé. Cela étant dit, je pense que l’on produit aussi pour diffuser. En tout cas, cette considération est toujours présente dans mon esprit, quelque soit l’art dans lequel je batifole. Je souhaite donc également que ce que j’écris soit lu – et si possible, apprécié – par d’autres, dans le but avoué de progresser dans l’exercice de ma passion.

 

  Et tiens, pour parfaire mon illustration, je suis persuadé que la moitié des gens qui vont avoir l’intention de lire ces modestes lignes s’arrêteront avant même de commencer à la vue de  la longueur de ce texte. Ou alors, peut-être sera-ce dû à sa piètre qualité... Qu'à cela ne tienne, pour les autres, ceux qui ont tenu, je vous remercie de votre attention et vous trompète :

À la revoyure !

Arno

Tou bi continioud…


[1] "Impossiblü !"

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