NLK ! #22 - D'un hymne pas jovial


     Mes sincères platitudes de circonstances à vous, mes biens chers mais non moins dispendieux lecteurices [1] !

     C’est le cœur sur la main, ou la main sur le cœur – je m’y perds –, que je rédige cette chronique. Sans préambule, je vais m’attaquer à un double sujet qui s’étalera, tel un quidam sur une peau de banane, sur deux occurrences de NLK ! Et ce sujet c’est : La révolution. Et, en premier lieu, parlons donc symboles, voulez-vous.

    Ainsi, j’entendais il y a peu que l’on s’offusquait d’un certain fouteballeur qui, s’assoyant sur toute considération pour sa patrie, refusait de s’époumoner sur l’hymne national, notre bonne vieille Marseillaise.

     Ce n’est pourtant pas cette polémique que je vais illustrer. J’en ai absolument rien à br…outer qu’il veuille ou non chantonner avec ses petits copains avant de courir après un foutu ballon. Elle m’a néanmoins engagé sur un thème que je souhaitais aborder depuis des lustres, que dis-je, des éons ! La première question qui me taraude, c’est : « l’hymne national Français, ce serait-y pas un peu du foutage de gueule ? »

   

    La Marseillaise, c’est l’histoire avec un grand hache ! ou plutôt, avec une bonne grosse guillotine. C’est le chant des révoltés et des indignés, c’est la mesure d’une nation, la nôtre. Elle a perduré jusqu’à nos jours tout en revêtant, à mon sens, une signification à des lieues de son origine.

     Le chant fut élaboré par C.J. Rouget de Lisle en 1792 pour insuffler l’ardente passion qui guiderait ces braves troufions à l’aube de leur trépas sur un champ de bataille anonyme, et ce, à l’occasion de la déclaration de guerre de la France contre le Saint Empire Romain, dans un contexte historique fort peu pacifique.

     Moins d’un an plus tard, l’entêté roi Louis XVI était nettement étêté. En toute honnêteté, cela va sans dire. Une décollation qui ne plut guère au voisinage [2]. Les idées saugrenues comme quoi il s’avérait légitime de raccourcir un souverain n’obtenaient qu’un écho très limité dans les nobles cours du Vieux Continent.

     Une coalition regroupant Autriche, Prusse, Angleterre et Espagne, pour les plus pimpants d’entre eux, tente avec empressement de mettre au pas ces vils déculottés ne manquant pas de culot avant que ne fleurissent au sein de leurs propres peuples d’insidieuses volontés d’émancipation. C’eut été dommage.

     En 1795, la Marseillaise est décrétée Chant National par la Convention, la chambre des députés de l’époque. Elle fut enlevée, réintroduite et ainsi de suite jusqu’après guerre, en 1946. On embobine le temps de soixante-dix ans et on n’est pas loin de notre période contemporaine.

 

    Entamons sans vergogne notre pamphlet.

     Il existe deux possibilités pour tirer la substantifique moelle de cet hymne. Le remettre dans son contexte ou l’analyser tel quel.

     Remise dans son contexte, la Marseillaise est un hymne à la liberté. Un panégyrique contre la tyrannie et le despotisme, contre la royauté et le totalitarisme. En cela, c’est un chant d’espoir qui nous rappelle le combat mené par les révolutionnaires Français après 1789 contre, un, l’oppression interne de la part des contre-révolutionnaires monarchistes, et deux, contre la coalition des royaumes voisins qui ne souhaitaient certainement pas avoir à leur porte un état démocratique prônant la décapitation de la hiérarchie de droit divin. C’est également un chant propre à faire vibrer l’âme patriotique du péquin lambda qui, la main sur le cœur et les yeux perdus dans les cieux s’égosille sur :

 Amour sacré de la Patrie / Conduis, soutiens nos bras vengeurs / Liberté, Liberté chérie / Combats avec tes défenseurs ! / Sous nos drapeaux, que la victoire / Accoure à tes mâles accents / Que tes ennemis expirants / Voient ton triomphe et notre gloire !

 …

     On notera les « mâles accents » de Liberté. Même si lorsqu’elle guidait le peuple sous le pinceau de Delacroix quelques années plus tard, son torse nu nous aurait laissé imaginer le contraire. On pourra également relever que les « ennemis expirants » n’en avaient sans doute pas grand-chose à faire de s’extasier sur le triomphe et la gloire de Liberté.

     L’autre lecture est de l’interpréter à l’aune de ce qu’elle représente aujourd’hui : un chant guerrier, assurément. Juste à voir le refrain, seul passage que l’immense majorité des gens connaisse :

 Aux armes citoyens / Formez vos bataillons / Marchons, marchons /

Qu'un sang impur / Abreuve nos sillons.

     Aucun doute sur la teneur belligérante du bousin. Eh bien, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y allait pas avec le dos de la louche le Rouget. Certes, à l’époque, la question de prendre les armes contre l’oppresseur revêtait un sens bien particulier que l’on peut comprendre à défaut d’encourager.

    Deux siècles plus tard, n’en reste qu’une glorification du patriotisme et de la famille, un appel à mourir pour son pays et ses valeurs. Ne manquait que le travail et l’on pourrait croire que Pétain était à la plume.

     Mais justement, les valeurs glorifiées de la France, elles ne subsistent plus que dans l’esprit malade de quelques résidus desséchés de cuvette de chiotte qui voient en la patrie le seul avenir à défendre.

 

    L’apprentissage de la Marseillaise, et donc des “valeurs” de la France, se fait dès le CM1… à huit années d’existence donc. Un chant que l’on fait entonner à nos bambins dans les cours d’école à l’ombre du drapeau que l’on élève. Sanglant, le drapeau. Et quand votre lardon – ou lardonne – s’époumone sur « Entendez-vous dans nos campagnes / Mugir ces féroces soldats / Qui viennent jusque dans nos bras / Égorger nos fils et nos compagnes », ça fait un peu drôle. Comme un malaise, voyez.

     D’autant que là encore, on observera que la guerre est une affaire d’hommes, et qu’ils doivent bien défendre leur terre, leurs femmes et leur progéniture. Enfin, surtout leurs fils, pour qu’à leur tour, quand leur glorieuse heure viendra, ils puissent crever en chantant et abreuver les sillons de leur hémoglobine, pure elle. Mais la Terre fait mal la différence.

 

     On peut y déceler une douce touche d’ironie, cependant. Car en dehors de ses accents patriotiques, c’est un chant à la gloire de la révolution … donc et du refus de l’oppression et de la tyrannie. Un chant que l’on pourrait résumer par la devise : Liberté, Égalité, Fraternité, trois valeurs qui, bien qu’elles figurent au fronton de nombre d’établissements de la république, semblent avoir disparues des débats de la scène publique. Et il me semble que s’il y a bien une chose que nos dirigeants souhaitent éviter, c’est bien un peuple qui s’insurge.

     Quoi qu’il en soit, pourrait-on, s’il vous plait, ne plus s’appesantir et, enfin, déchirer cet hymen national ?

 

     J’ai beau dire, dans le contexte actuel, je ne suis pas certain que ma question soit à mettre sur le tapis. Je m’effraie du choix que l’on pourrait faire en remplacement. C’est le week-end de la très engagée Lorie ? Est-ce que tu m’aimes du séditieux troubadour Maître Gims ? Ou pire, qu’on laisse les Enfoirés ou Michel Sardou composer un texte original.… Nononononononon. Oh Misère, épargnez-nous !

   Allez, avec un peu de chance, ce sera Mourir pour des idées de Georges.

 

    Concluons dans la bonne humeur, voulez-vous. Suis-je pour la révolution armée ? Non, j’ose espérer qu’elle est évitable. Suis-je pour la révolution ? Certes, ou plutôt pour une évolution, mais j’y reviendrai dans la suite de cette inénarrable chronique du prochain lundi/2 [3] : D’y a-t-il encore des pavés sous cette plage ?

    En patientant pour cet heureux évènement, attendu par tous mais lu par une fraction, je vous exhorte :

 À la revoyure !

 L’ichor

 


Illustration par A4.putevie : http://putevie.over-blog.com



[1] Au cas où vous vous interrogeriez sur la signification de ce barbarisme, "lecteurice", c’est un condensé de lecteur et lectrice… Ce qui me permet de ne faire aucune distinction par le genre sur la qualité intrinsèque de mes lecteurs… et lectrices.

[2] Mais les voisins sont ainsi : ils regardent toujours la hauteur de l’herbe dans la propriété d’à côté pour savoir s’ils doivent couper la leur. En l’occurrence, plutôt la hauteur du roi.

[3] À ne surtout pas manquer, bien entendu. > NLK! #23 <

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Commentaires: 2
  • #1

    Andréa (mardi, 13 octobre 2015 20:52)

    Tu préfères l'Hymne à la Joie européen ?
    Je me demande si Beethoven a respecté dans sa composition l'alinea 34 de l'article A34-323 b, révision de 1989 de la loi européenne sur la composition des hymnes nationaux. Je me demande s'il n'aura pas fait la sourde oreille...
    Enfin, bref, je l'aime bien moi, notre chant guerrier. Je lui trouve de la gueule et puis au moins on ne s'endort pas en l'entendant. Il parle de la vie, de la mort, du fait que la vie n'est pas jolie jolie, mais qu'avec de l'entrain et en chantant faux, on peut donner à l'existence beaucoup d'élan et de jovialité (même incompréhensible).

  • #2

    L'ichor (mardi, 13 octobre 2015 23:19)

    Ben quelque part, oué je préfère l'hymne à la joie. Je voulais faire le parallèle, mais la chronique commençait déjà à prendre des longueurs.
    Cela dit, il relève quand même pas mal de l'hypocrisie. Mais bon, le message, lui, est valable.
    (c'est une vraie loi que tu me cites là ? ou bien, c'est comme le formulaire bleu d'Astérix?)
    Héhé, oui, si on lui avait demandé à Ludwig, je pense qu'il aurait fait comme s'il entendait pas ^^
    Et pour revenir au sujet. Non, j'aime pas la Marseillaise. En dehors de ses couplets sur la liberté, c'est une glorification de la Patrie et de la Famille dont je trouve les accents dépourvus de sens à l'heure actuelle. Je le trouve sanglant et belligérant à souhait et je n'apprécie guère l'image que cela porte.
    Je le trouve complètement déplacé dans les stades de foot (ou de rugby) et dans les écoles. L'idée de mourrir pour ma patrie baigné du sang impur de ses ennemis, c'est pas vraiment mon truc.
    ... Et "Jovial" n'est pas le terme que j'aurais choisi pour le qualifier ^^.
    Je n'ai par contre pas beaucoup d'éléments de comparaison avec les hymnes des autres contrées. À part God Save the queen qui est, quelque part, son complet opposé.
    Mais bon, comme je dis, je vois pas bien comment le remplacer et je m'effraie du choix que l'on pourrait faire.