De tek, de teufs et de Knobz

J’ai rédigé ce texte pour l’exposition d’A4.putevie à la librairie études de l’université du Mirail, dans le cadre de l’évènement Global tekno 8, au CIAM, à Toulouse en novembre 2018.

 

Pas besoin d’être foncedé pour entrer dans la danse, faire un pas dans la transe.

La mélodie chatouille les tympans ; la basse gratouille à contre temps.

Le pied surgit et fracasse.

Binaire, il meurtrit la musique ; primaire, il agite les carcasses.

Il pétrit les cœurs, secoue les corps,

Nous en voulons encore et encore, à cors et à cris…

Mais surtout,

En hardcore.

 

Teuf, Tawa, Rave, Free… Autant de noms pour un même univers, une même soirée, une échappatoire au détour d’une longue nuit. Une féroce nuit de bruit et de fureur. Une nuit à taper du pied, à se marrer, oublier, se droguer, s’enchanter, se retrouver, se perdre, se trouver.

 

On est samedi soir, le 3672* est tombé. On se lance sur les routes de campagne, de plus en plus petites, on se perd. Un rendez-vous impromptu entre deux champs et un bout de forêt, « suivez le Merco blanc ! » gueule-t-on quelque part… et de suivre un camtar vaguement immaculé sur des chemins de traverses, d’entendre au loin le rythme profond d’une basse, de déconner à la donation soulagés de n’avoir vu les condés, de se garer à l’arrache, un sourire déjà sur les lèvres, de se diriger vers le mur de son.

 

La fête de l’apocalypse capitaliste peut commencer. Nous sommes tous bel et bien prêts. Prêts à danser toute la nuit, avec le secret espoir de ne jamais voir le soleil se lever.

 

La tek, au sens large, est indissociable de la teuf. L’une sans l’autre n’est qu’un demi-concept, une petite chose inaboutie. Chacune sublime l’autre, pour donner un univers bien particulier. Un univers sonore et visuel, un espace de liberté, une zone d’autonomie temporaire, un lieu d’échanges et de partage, un interstice d’expression sans limites. L’endroit de tous les possibles. Tout cela en même temps, et bien plus encore.

 

La teuf est aussi un espace politique. Entre anar’ et punk, c’est l’esprit de la fête libre, en plein air et accessible à toutes et tous, à l’opposé des boîtes de nuit. L’endroit, belle ironie, où j’ai le plus vu à l’œuvre notre belle devise : Liberté, Égalité, Fraternité.

 

Liberté d’être soi-même, dans la plus belle tradition libertaire.

 

Égalité devant le son. T’as pas une thune, t’es pas de la bonne couleur, t’as pas le bon genre ? Viens quand même, tu verras, on est bien.

 

Fraternité, car la teuf est toujours un lieu de débrouille, d’entraide et de partage. Chacun amène un peu, donne beaucoup et reçoit en retour. Au plus loin possible des contraintes monétaires et sociétales.

 

 

Pour Knobz, ça a commencé en 2001.

 

 D’un délire musical entre quelques potes, de soirées devant trois caissons posés à l’arrache dans « les salles S » de la fac, d’amalgames d’énergies, de compilation de synergies, d’un magma de bonnes volontés, on a construit un collectif d’artistes. Artistes musicaux et visuels réunis dans un même élan pour, nous l’espérions, des soirées de plus en plus magiques.

 

C’était une période de transition entre une pratique plutôt discrète de la free-party et sa démocratisation. L’époque des fringues kaki, des casquettes à clous et des chiens qui s’appellent Kerdane ou Ganja. L’époque des teufs de hardcoreux sous acide et celle des raves de transeux sous MD. L’époque de la loi Mariani, de la répression de plus en plus violente et absurde, des tékos gigantesques, puis des Sarkovals indigestes.

 

En 2003, on crée l’association Nevropatch pour chapoter l’orga de nos escapades teknoïdes. Elle réunit en son sein à la fois musiciens, artistes et une tripotée d’autres personnes : qui pour prêter les caissons, qui pour régler le son, qui pour aider au bar, qui pour monter les structures, qui pour gérer les lumières, qui pour la donation, qui pour négocier avec la maréchaussée… Rien n’aurait été possible sans la présence de toutes ces énergies, engagées et bénévoles, réunies autour de l’amour de la teuf et de la tek.

 

Toujours basées sur le système D-IY, les fêtes se font de plus en plus belles et matures, plus fournies en déco, en qualité sonore, que ce soit à Toulouse ou dans le Lot, où nous avons fait l’essentiel de nos passes d’armes.

 

Nous n’avons jamais visé les grosses soirées, même s’il nous est arrivé d’être submergés par la foule. Il suffisait que le message passe d’une bouche de l’un à l’oreille de l’autre. Il était toujours plus facile de poser l’ambiance que nous souhaitions quand nous nous retrouvions à seulement quelques centaines de personnes.

 

Que ce soit pour la « Nervous Breakdown », free-party légale alliant musiques électroniques et instrumentales, ou pour la « Live Theatre », performance au cours de laquelle nous avons enregistré, sérigraphié et produit un cd collectif remis au public en fin de nuit, nous avons toujours eu à cœur de fusionner les musiques et les arts dans toutes leurs diversités.

 

Et, bien que ces pages de notre histoire soient tournées, nous sommes fiers de ce que nous avons accompli avec nos modestes moyens, et nous savons que l’esprit de ces années passées nous animera encore dans nos créations futures.

 

Knobz, c’est essentiellement du live et de l’expérimentation sonore électronique, dans tous les styles : principalement de la hardtek, mais aussi de la drum, du hip-hop, du triphop, du break, du scratch, du hardcore, du dubstep, du dub… entre autres.

 

Knobz, c’est une appréciation du temps totalement aléatoire. C’est une certaine vision de la musique électro que l’on espère originale ; c’est une certaine vision de la fête libre que l’on espère conviviale.

 

Knobz n’est pas mort et Knobz se prononce « Nobz ».

 

 

 

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